Le pas-de-porte résidentiel, une pratique qui prolifère toujours au Maroc
En tapant les mots clés « Sarout Maroc » sur Google, le moteur de recherche propose une dizaine de pages comprenant de nombreuses annonces immobilières. En effet, l’offre et la demande du pas-de-porte restent monnaie courante même en 2018. Plusieurs personnes se dirigent toujours vers le droit au bail pour de nombreuses raisons dont principalement le coût faible du loyer.
Citons l’exemple d’un appartement de 110 m² à Belvédère vendu au prix de 180 000 dhs avec un loyer de 2200 dhs. Lors d’une transaction de vente normale, ce bien de trois chambres et salon aurait coûté plus de 1 320 000 dhs si l’on tient en compte la moyenne du prix du m² dans ce quartier qui est de 12 000 dhs, selon le référentiel des prix des transactions immobilières de Casablanca établi par le ministère de l’économie et des finances.
Si le pas-de-porte était pratiqué plus souvent dans les quartiers qui abritent les anciens logements, aujourd’hui nous trouvons des annonces concernant plusieurs appartements situés dans des immeubles résidentiels de moyen ou de haut standing. C’est le cas d’un bien de 80 m² à Gauthier dans une nouvelle résidence. L’appartement comprend 2 chambres et un salon et est doté d’une installation moderne et d’équipements design et à la pointe de la technologie. Le bail est à 400 000 dhs avec un loyer mensuel de 1500 dhs.
Si le pas-de-porte résidentiel suscite toujours la polémique, c’est parce que cette pratique est informelle. La plupart des vendeurs et des locataires signent juste un contrat de location classique ne comprenant en aucun cas la somme versée par le locataire. Le pas-de-porte présente alors plusieurs périls pour les propriétaires des biens immobiliers et les locataires.
Le bail commercial, industriel et artisanal au Maroc
Au Maroc, le bail commercial, industriel et artisanal repose sur un contrat établi entre le propriétaire d’un commerce et le locataire. Ce dernier a le droit d’occuper le bien dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Il doit également se soumettre à plusieurs obligations définies par le dahir n°1-16-99 qui porte promulgation de la nouvelle loi n°49-16.
Tout d’abord, le dahir encadre la pratique du bail commercial depuis 1955 mais n’arrivait tout de même pas à gérer toutes les facettes du pas-de-porte. Les textes juridiques ne protégeaient pas suffisamment les deux parties du contrat, à savoir le bailleur et le locataire.
Ce n’est qu’en février 2017 que la nouvelle loi entre en vigueur pour définir les obligations de chaque partie. Cette dernière s’applique sur les différents organismes privés dont les écoles, les cliniques, les cabinets des praticiens bien-être, les pharmacies… Sans oublier bien-sûr les immeubles et les commerces appartenant au domaine public ou privé de l’Etat ainsi que les habous.
Nouveautés de la loi n°49-16
Un contrat écrit établi entre le bailleur et le locataire
Le texte juridique de la nouvelle loi n°49-16 prévoit entre autres la mis en place d’un contrat écrit entre les deux parties de la transaction. Faisant office d’une garantie pour les bailleurs et les locataires. Le contrat comprend aussi un état descriptif des lieux, comme c’est le cas pour un contrat de location classique. Le but est de formaliser la vente pour assurer les droits et les devoirs de chaque individu. Les charges locatives seront également incluses dans le contrat.
Droit au renouvellement du contrat :
Si le locataire devait attendre 4 ans pour renouveler son contrat selon le texte du dahir de 1955, la nouvelle loi a diminué cette période de deux ans. La seule condition qu’il faut remplir et le fait de disposer du bien et l’exploiter pendant 24 mois.
Dans le cas ou le bailleur n’accepte pas le renouvellement, il sera dans l’obligation de verser des indemnités au locataire. Ces frais de dédommagement sont prévus également si le propriétaire décide de mettre terme au contrat sans causes valables.
Les cas de perte d’indemnisation :
Le bailleur peut être exonéré des frais de dédommagement vis-à-vis du locataire dans les cas suivants :
– Le non-paiement du loyer au-delà de 15 jours à compter de la date mentionnée sur le contrat de bail
– Un quelconque changement d’activité du fond de commerce sans l’accord du propriétaire
– Aménagement, travaux ou démolition des locaux sans l’avis du propriétaire
– Cessation d’activité
Droit du bailleur :
Selon le nouveau texte juridique qui régit désormais le bail commercial, le bailleur a le droit de récupérer son bien si le locataire ne respecte pas les clauses du contrat (non-paiement du loyer pendant 6 mois ou encore cessation de l’activité).
Le propriétaire peut donc entamer la démarche en adressant une demande au président du tribunal avec toutes les raisons de sa décision. Entre temps, si le locataire décide de régulariser sa situation avant le jugement final, le président peut lui accorder 2 semaines pour ce faire.
Le contrat est par contre résilié si le locataire ne répond pas à l’appel du tribunal 6 mois après l’exécution de l’ordonnance juridique.
La sous-location du bail commercial entre le dahir de 1955 et la loi de 2017
Si l’ancien texte de loi n’autorisait pas la sous-location, il est désormais possible pour les locataires de louer leurs locaux à condition que le montant du loyer ne dépasse pas le loyer initial. Dans le cas contraire, le bailleur a le droit de revoir à la hausse le loyer principal.
Le sous-locataire doit aussi s’engager à ne pas changer d’activité commerciale sans l’accord du bailleur. La flexibilité de la nouvelle loi autorise toutefois le changement partiel d’activité à condition de respecter les spécificités du local.
Après de nombreuses années d’informalité, la loi qui régit les baux commerciaux et résidentiels voit enfin le jour en février 2017. Ces textes juridiques encadrent cette pratique et mettent la lumière sur les différentes problématiques du pas-de-porte pour protéger les droits des citoyens et légaliser l’une des transactions qui animent le marché immobilier marocain.
Hajar Khalil